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Pachuca, capitale du soccer au Mexique

Pachucacity

PACHUCA (Mexique) – La route jusqu’ici est perturbante.


Une partie de moi a l’impression qu’on devrait pouvoir découvrir une variété de parfums en ce rendant vers la ville où l’Impact de Montréal affrontera les Tuzos, ce mardi soir, en Ligue des champions de la CONCACAF. Au fil du sinueux parcours au nord de Mexico, nous croisons des barbecues le long de la route, nous apercevons des villages bâtis en flanc de montagne, et nous voyons du gazon – du gazon! – pour la première fois depuis des mois.


Or, même une fois loin de la capitale, il n’y a d’autre odeur que les gaz d’échappement, et il y a bien peu d’oxygène pour apaiser nos narines, perchés à quelque 2 400 mètres.


Quatre-vingt-dix minutes plus tard, après que nous ayons réappris à respirer, la camionnette s’approche d’un viaduc. Un gigantesque H, pour l’État du Hidalgo, repose sur le terre-plein central. Sur le bord du viaduc, on nous souhaite la bienvenue à Pachuca.


C’est ici que tout a commencé pour le soccer mexicain.


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Sous le virage nord de l’Estadio Hidalgo, domicile du CF Pachuca, des dizaines de photos nous rappellent l’histoire du club et de la ville. Sous une photo est inscrit : « Sous le regard des magnifiques mines du Hidalgo, on jouait au soccer. Les Anglais ont amené au Mexique les règles et le format qui permettent le jeu qui a déchaîné l’euphorie et les passions. »


Bref, les jeux de balle étaient déjà présents dans la région de Pachuca avant que des Anglais n’arrivent avec les règles de la Football Association. Un groupe d’historiens du Hidalgo ont retracé un match joué entre deux groupes de mineurs en 1889, où se situe actuellement la rue Cuauhtemoc à Pachuca. Six ans plus tard, trois équipes se sont réunies pour fonder le Pachuca Athletic Club, l’ancêtre des adversaires de l’Impact.


En novembre 2014, le congrès de l’État a adopté à l’unanimité une résolution nommant Pachuca le berceau du soccer mexicain, part du patrimoine culturel de l’État du Hidalgo.


Si ces mineurs pouvaient voyager dans le temps, ils ne croiraient probablement pas ce qu’est devenu leur passe-temps naissant. Selon le gouvernement municipal, il n’y a plus que 20 mines à Real Del Monte, à 20 minutes de Pachuca. La région exploite pourtant ses mines depuis 1551, et elle était la principale productrice de minerai en Nouvelle-Espagne pendant deux siècles.


D’autres industries ont depuis permis de diversifier l’économie de la ville. Et le soccer y participe.


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Pour certains, le soccer est un art. Pour d’autres, le soccer est une science. Pour d’autres, le soccer est autre chose.


À Pachuca, on traite du soccer comme d’une science – une science importante. La ville possède son Université du soccer et des sciences du sport, une propriété du Grupo Pachuca, à qui appartient le club de soccer.


Son campus a ouvert ses portes en novembre 2001, au nord-ouest de la ville. J’avais fait des démarches pour pouvoir la visiter, mais on ne m’avait pas répondu. Heureusement, les dieux du soccer veillaient sur moi.


L’Impact de Montréal s’entraîne à l’Estadio Hidalgo le lundi soir, et le club de Pachuca a envoyé un représentant pour aider le personnel de l’Impact. Johnathan De Oliveira. 23 ans. Ancien milieu de terrain converti en défenseur latéral droit dans les équipes de jeunes de Pachuca. Boursier à l’Université. Maintenant préparateur physique pour la deuxième équipe de Pachuca.


Et Montréalais.


« Mon contrat de joueur a fini en janvier 2011, dit-il avec l’accent québécois. Je voulais retourner à Montréal, faire les essais avec l’Impact, mais je devais attendre 11 mois pour faire les essais. Je serais resté 11 mois sans rien faire. Je me suis dit que j’allais travailler avec Pachuca comme préparateur physique. »


De Oliveira est bien heureux de nous parler, à un collègue et à moi, de l’établissement qu’il fréquente depuis quelques années.


« Quand je suis arrivé, l’école avait au moins six ans, explique-t-il. Avant, c’était juste pour l’université. Il y a deux, trois ans, ils l’ont ouverte du primaire à l’université. C’est comme l’Académie de l’Impact, mais les joueurs font leurs études. Ils peuvent y faire toute leur scolarité dès l’âge de six ans. Ils fournissent tous les équipements.


« Les enfants jouent dans une ligue locale à Pachuca. S’ils gagnent, ils vont au championnat national. Quand ils arrivent à 14 ans, ils entrent dans l’Académie, des U15 jusqu’aux U20. »


Ses explications compensent le refus de visite des lieux. Je n’allais pas avoir le même genre de problème pour visiter un autre des symboles de l’histoire footballistique de Pachuca.


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En entrant dans le cœur de Pachuca, on remarque peu de hauts édifices. Quand un ballon de 28 mètres de hauteur apparaît sur notre gauche, on le remarque.


Le Salón de la Fama del Futbol, le Temple de la renommée du soccer, m’accueille à bras ouverts. Une semaine avant ma visite, un employé avait répondu à ma demande en me promettant une visite guidée et des réponses à toutes mes questions.


Mon collègue et moi suivons Ricardo, notre guide, au gros ballon. Celui-ci est énorme, et pour cause : la FIFA appuie le projet.


Oui, c’est le vrai de vrai Temple de la renommée. Le seul et l’unique. La FIFA a étudié d’autres projets, d’après Ricardo, mais elle a choisi Pachuca en partie à cause de son histoire.


Ouvert en 2011, le Temple compte 75 immortels de partout au monde. Mia Hamm y est entrée en 2013, en compagnie de Franco Baresi, de George Weah, de Paolo Maldini et de Bora Milutinovic, entre autres.


Hamm est la seule Américaine intronisée, mais la contribution d’un autre Américain est reconnue au Temple. John C. York, actuellement coprésident du conseil d’administration des 49ers de San Francisco, a permis d’établir le lien entre le Temple de la renommée du soccer et celui du football (américain) professionnel. Le premier a adopté une version des règles de l’autre.


« Un joueur doit donc être retraité depuis cinq ans avant d’y être intronisé, explique Ricardo. Personne ne va voter pour Messi ou pour Cristiano Ronaldo. »


Un escalier nous mène jusqu’au sommet de la structure. De marche en marche, divers objets nous rappellent le passé du jeu. Voici un ballon de la Coupe du monde de 1950. Une photo autographiée par Just Fontaine, l’attaquant français qui a marqué 13 fois dans une seule Coupe du monde. Une réplique du Soulier d’or qu’a gagné Hugo Sánchez avec le Real Madrid. Un des uniformes trop colorés de Jorge Campos.


À l’extérieur du gros ballon, la zone Mundo Futbol est bien plus bruyante. L’interactivité est reine ici. On peut mesurer nos sauts, notre accélération et la vitesse de nos tirs avec ceux des meilleurs du monde. On peut jouer à une reproduction grandeur nature du baby-foot, où vous êtes le petit bonhomme de plastique pris à un endroit qui tente de taper le ballon. On peut s’essayer au commentaire radiophonique.


Nous passons près d’une carte du Mexique au-dessus de laquelle est écrit : « Pour quelle équipe mexicaine voudrais-tu jouer? » Des aimants aux couleurs d’équipes sont éparpillés dessus. Pour Ricardo, cette carte démontre qu’on ne fait pas que s’amuser dans son lieu de travail.


« Des groupes de jeunes viennent parfois, dit-il. Et on leur demande de placer chaque équipe au bon endroit sur la carte. Ils apprennent des notions de géographie. »


À côté, au Temple de la renommée, ils apprennent aussi des notions d’histoire. Une histoire qui continue de s’écrire. Le CF Pachuca y est mis en évidence, bien sûr, et ses joueurs tenteront d’écrire un peu d’histoire ce mardi. Au retour vers l’hôtel, mon collègue questionne le chauffeur de taxi sur le match. Mais c’est un partisan de Cruz Azul, et il ne s’attend pas à une grosse foule.


Certains m’avaient dit la même chose. D’autres, non. Johnathan De Oliveira figurait parmi les optimistes. « Beaucoup de gens dans tout le pays sont partisans de Pachuca à cause de l’histoire », avait-il rappelé.


Ils ne pourront pas tous être au stade mardi. Peut-être seront-ils heureux. Peut-être ne le seront-ils pas. Mais ils pourront toujours se rabattre sur l’histoire.


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