Impact Média s’est entretenu avec Yannick Girard, préparateur physique, et Antoine Guldner, préparateur mental
Derrière l’écusson, il y a un cœur pour pomper le sang. Sous la coupe de cheveux parfois extravagante, il y a un cerveau pour diriger, analyser et décider. Et au-dessus des souliers, il y a tout un tas de muscles pour courir, sauter, tirer, passer… Pour que les joueurs soient au sommet de leur forme lors des matchs, il y a bien sûr le travail à l’entraînement, mais aussi la nutrition, le repos, l’état d’esprit et plusieurs autres facteurs physiques, mentaux et sociaux. Impact Média a rencontré Yannick Girard, le préparateur physique, et Antoine Guldner, le préparateur mental, pour discuter du travail primordial qu’ils font auprès de la première équipe.
Le camp d’entraînement, un moment crucial pour retrouver le niveau
YG : En présaison, le défi numéro un est de mettre les joueurs dans leur meilleur état de forme pour le premier match. On désire avoir un bon début de saison, comme l’an dernier. Pour ça, on a pris la décision d’avoir une présaison progressive, pour que tout le monde soit à 100% pour le premier match. On veut dès le début être bons, performants et gagner des points.
AG : Collectivement, l’objectif est de réexpliquer qui on est, qu’est-ce qu’on veut faire ensemble et comment on veut le faire. Le travail de présaison consiste à répondre à ces questions. Quelles valeurs partage-t-on et quel type de soccer veut-on mettre en place?
Il s’agit de créer des liens entre les joueurs et de développer des automatismes sur le terrain. Sur le plan individuel, on observe et on discute avec les joueurs pour savoir comment ils se sentent. Les entraîneurs donnent aux joueurs le plus d’informations et de conseils possibles pour qu’ils se concentrent sur ce qu’ils peuvent contrôler (leur préparation et leurs performances).
La préparation pour atteindre les objectifs collectifs et individuels
YG : En présaison, on est plutôt collectifs, on part d’un point A avec tout le monde pour amener le groupe au point B. On sait que les charges sont différentes selon les positions sur le terrain. Après, durant la saison, on va commencer à rentrer un peu plus dans la position, notamment pour les joueurs latéraux, qui font plus d’allers-retours. Pour un défenseur central, par exemple, c’est moins grave s’il a moins de distance de travail à l’entraînement. Un attaquant va demander une répétition de sprints; s’il ne court pas 15 kilomètres par entraînement ou par match, ça ne me dérange pas, ce n’est pas la réalité de sa position.
Sur un même exercice de 10 minutes, les joueurs vont avoir une charge de travail complètement différente. La forme ne vient pas nécessairement par la préparation physique; on intègre ça à nos exercices à l’entraînement. Je fais mes demandes physiques aux entraîneurs et on crée nos exercices selon les objectifs de la séance, qu’ils soient techniques, tactiques ou physiques.
AG : C’est important que le personnel d’entraîneurs et les joueurs soient sur la même longueur d’onde. Au bout du compte, ce sont des exercices mis en place et de la communication qui permettent aux joueurs de bien comprendre ce qui leur est demandé et ce qu’ils ont à faire sur le terrain. C’est également très important qu’ils aient envie de le faire, qu’ils sentent que ce sera efficace, que ça peut les faire progresser individuellement et leur amener du succès en tant qu’équipe.
La gestion des différentes cultures dans l’effectif
AG : Si on a un objectif commun et des valeurs communes, on a plus de chances, quelles que soient nos différences, d’avancer dans la bonne direction.
C’est important de valoriser le respect au sein du personnel d’entraîneur et dans les interactions entre les joueurs. Il faut avoir conscience que oui, on peut avoir des différences, mais si on est capable de respecter ces différences et de faire chacun les efforts pour bien vivre ensemble, on peut atteindre des niveaux de performance élevés.
YG : On essaie de connaître les joueurs au mieux. C’est plus qu’une relation entraîneur-joueur, c’est presque une relation amicale. On sait que l’approche envers un Américain sera différente que celle envers un Argentin ou un Français. C’est délicat au début, mais après, je pense que c’est un point positif et une richesse, toutes ces cultures. On peut retirer quelque chose de l’expérience de chacun. Je récupère toutes ces données différentes provenant de partout dans le monde et je réfléchis sur ce que je peux amener en plus. Les joueurs m’amènent en quelque sorte des produits de partout. Maintenant, comment mélanger cette soupe pour qu’elle soit bonne et pour qu’on puisse ressortir avec quelque chose d’intéressant pour tout le groupe?
Entraîner le corps et l’esprit
AG : La difficulté pour les joueurs est effectivement d’être capable de se concentrer et de rester concentré pendant toute la durée du match, malgré la fatigue et les émotions. Les entraîneurs mettent en place des exercices de plus en plus complexes sur le terrain et Yannick ajoute régulièrement des contraintes cognitives dans ses exercices pour entraîner les joueurs à réfléchir et à prendre des décisions en situation de stress et de fatigue.
On essaie aussi de se rapprocher le plus possible de la réalité du match pendant la semaine d’entraînement. Les joueurs sont entraînés à répéter des efforts à haute intensité; la préparation physique se fait souvent avec ballon et avec l’intégration d’une dimension tactique. Le fait de travailler toute la semaine de cette manière-là, avec de la complexité et en se rapprochant de la réalité du match, aide les joueurs à être mieux préparés.
Rester au sommet durant neuf mois
YG : La saison est interminable. En 2016, nous avons fait la plus longue saison de l’histoire de l’Impact. Je pense que la MLS a la saison la plus longue de toutes les ligues au monde. S’adapter à ça, c’est presque impossible. Il faut gérer ça sur le plan physique. On ne se donne pas trop de défis lors des périodes intenses de trois matchs en une semaine. On part sur des cycles de cinq semaines. On se prépare pour le premier cycle et après, on voit comment s’adapter pour le prochain cycle. Franchement, c’est impossible de planifier sur la saison entière pour être au sommet tout au long du calendrier. Des blessures arrivent, des suspensions entrent en ligne de compte, plein de choses arrivent qui font qu’on doit s’adapter.
AG : La saison régulière est effectivement très longue et c’est important de se rappeler de l’importance de chaque match. C’est intéressant pour cela de connaître l’objectif à long terme, mais aussi, et surtout, de se focaliser sur le chemin à parcourir pour atteindre cet objectif.
Les joueurs ont toujours un visuel sur la prochaine série de matchs qui les attendent à court terme et les entraîneurs travaillent chaque semaine avec la même intensité pour préparer la prochaine rencontre.
Il faut avoir conscience qu’au plus haut niveau, c’est normal d’avoir des moments difficiles au cours d’un match et au cours d’une saison. Les meilleures équipes sont celles qui sont capables de rester solidaires et concentrées dans ces moments difficiles pour retrouver le succès.
L’importance du mental dans le physique
YG : Antoine a un œil plus extérieur alors que je suis plus à l’intérieur du groupe. Il se met en retrait, il a donc une vision un peu différente de celle que j’ai, puisque je suis entouré de tous les joueurs. Son impact sur mon travail, c’est qu’il peut me guider chaque jour. Il me dit : « nous avons vécu telle ou telle chose durant les trois derniers jours, j’aimerais que tu ailles vers telle dominante mentale. J’aimerais que les joueurs aient un peu plus de plaisir », que ce soit en raison d’une défaite ou d’un entraînement plus dur.
Si on veut avoir de la fraîcheur physique chez les joueurs, il faut aussi de la fraîcheur de l’esprit, de la fraîcheur mentale. Antoine va donc me dire de faire un échauffement plus agréable, un exercice de vitesse où les joueurs ont du plaisir et se challengent un peu entre eux. Il m’aide beaucoup dans mon travail, en me guidant dans ma création d’exercices.
Le fameux cliché du « caractère »
AG : Le caractère et la détermination sont souvent naturels chez des joueurs de haut niveau, mais cela peut aussi s’apprendre et se développer. Le caractère et la détermination se forgent avec l’expérience et la répétition. Un joueur qui prend conscience de l’importance de la détermination peut y prendre goût. Les joueurs peuvent prendre goût à la victoire et apprendre à détester la défaite. Un joueur qui prend l’habitude d’être exigeant avec lui-même va se rendre compte des avantages qu’il en retire et en tirera beaucoup de motivation. On a la chance d’avoir des joueurs d’expérience qui ont cet état d’esprit et qui ont envie d’aider les plus jeunes joueurs à développer leur détermination et leur sens de la responsabilité.